mercredi 3 janvier 2018

Solo - 2


Seigneur me voici c'est moi
Je viens à vous malade et nu
J'ai fermé tout livre
Et tout poème
Afin que ne surgisse
De mon esprit
Que cela seulement qui est ma pensée
Humble et sans apprêt
Ainsi que la source primitive
Avant l'abondance des pluies
Et le luxe des fleurs

Seigneur me voici devant votre face
Chanteur des manoirs et des haies
Que vous apporterai-je
Dans mes mains lasses
Sinon les traces et les allées
L'âtre féal et le bruit des marées
Les temps ont passé
Comme l'onde sous les saules
Et je ne sais plus l'âge
Ni l'usage du corps
Je ne sais plus que le dit
Et la complainte
Telle la poésie
Mon âme serait-elle patiente
Au bout des galantes années?

Seigneur me voici c'est moi
De votre terre j'ai tout aimé
Les mers et les saisons
Et les hommes étranges
Meilleurs que leurs idées
Et comme la haine est difficile
Les amants marchent dans la ville
Souvenez-vous de la beauté humaine
Dans les siècles et les cités
Mais comme la peine est prochaine!

Seigneur me voici c'est moi
J'arrive de lointaine Bretagne
0 ma  barque belle
Parmi les bleuets et les dauphins
Les brumes y sont plus roses
Que les toits de l'Espagne
Je viens d'un pays de marins
Les rêves sur les vagues
Sont des jeunes rameurs
Qui vont aux îles bienheureuses
De la grande mer du Nord
Je viens d'un pays musicien
Liesse colères et remords
Amènent les vents hurleurs
Sur le clavier des ports
Je viens d'un pays chrétien
Ma Galilée des macs et des ajoncs
Enchante les tourterelles
Dans les vallons d'avril
Me voici Seigneur devant votre face
Sainte et adorable
Mendiant un coin de paradis
Parmi les poètes de votre extrace
Si maigre si nu
Je prendrai si peu de place
Que cette grâce
Je vous supplie de m'accorder
Au pauvre hère que je suis
Ayez pitié Seigneur
Des bardes et des bohémiennes
Qui ont perdu leur vie
Sur le chemin des auberges
Nulle orgue grégorienne
N'a salué leur trépas
Pour ceux qui meurent dans les fossés
Une feuille d'herbe dans la bouche
Le cœur troué d'une vieille peine
De lourdes larmes dans le paletot
Et dans les veines des lais et des rimes
Seigneur ayez pitié!

( à suivre)

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