mercredi 10 janvier 2018

Solo - 8


Seigneur Dieu c'est moi
J'ai fait un grand voyage
Permettez que je retourne en Bretagne
Pour vivre encore quelques années
Je n'ai pas grand âge
Vous le savez
Quelques printemps encore
Donnez-les moi
Afin que je vous loue
Par l'aubépine et le laurier
Accordez-moi quelques étés
Afin que je vous chérisse
Par la tendresse reposée
Du myosotis et de la rose
Seigneur Dieu
Au royaume de la terre
Laissez-moi retourner
Au temps d'hiver
Je serai trouvère
Trouvant prière
En mon âme recouvrée
Seigneur Dieu
Redonnez-moi ma maisonnée
Et ma femme française
Qui tant patiemment
Ma santé mauvaise
Soigna à Botzulan
Rendez-moi paroisse et commune
Mes trois bouleaux mes deux cyprès
Et mon talus buissonnant
Et le chêne tout frivolant
Avec les tourterelles
Tourterellant
Rendez-moi les hirondelles
Nichant
Nizonnant
Botzulanisant en la mémoire
Des cheminées
Seigneur Dieu
Ce que pour Lazare
En belle Galilée
Vous avez fait
Ne le ferez-vous pas
Pour la chair tant abîmée ?
Seigneur
C'est votre grâce
Que je supplie
Et non votre puissance
Opérez ma renaissance
Il suffira d'un peu de souffle
Dans ma poitrine
D'un peu de salive
Sur ma bouche chagrine
Seigneur Maître de la vie
Voici donc ma bretonne supplique
Prenez mes plaies et mes peines
Allégez ce fardeau que je traîne
Dans les blanches cliniques
Aux adieux des condamnés
Comment me résignerais-je
Comment dire adieu aux fontaines
Aux sources aux rivières
A l'Elorn à l'Isole à l'Aven ?
Qu'il me souvienne des bourgades humaines
Du rire de l'aurore à l’œil des fenêtres
Comment quitter tous ceux que j'aime
Frères de Bretagne
Amis de Seine
Pourquoi faudrait-il que m'adviennent
Douleurs et précoce trépas
Seigneur Dieu
A pauvre et bonne pauvreté
Votre riche palais ne convient pas
Redonnez-moi ma jaune masure
Et l'amour de la vie
Et l'amour des hommes
Car telle est la mesure
De notre seul honneur !
Seigneur
D'amour vous avez blessé Verlaine
Et devant votre corps fabuleux
Rue Ravignan
La chair de Max Jacob
Est tombée par terre
Seigneur
Par l'annonciation des poètes
Je crois aux jours heureux
De votre Parousie
Vous viendrez dans les vergers
Par la voie lactée
Et les sentiers d'ancolies
Nos maisons de pierre seront vos reposoirs
Nous mettrons le pain le vin sur la table
Les colombes s'envoleront des retables
O les ajoncs sensibles dans la clarté du soir
Amour aimant l'amour
Feu brûlant le feu
Incandescence
Phosphorescence
Braiser brassant brassée de flammes
Aurore aurorant de coqs et de rosée
Âmes embrasées
Tendresses embrassées
Phares effarés de brûlures
Enluminures
Orantes illuminées de Rumengol
Piétas d'Argol pèlerinant
Mers bouillonnantes
Femmes fascinantes
Nature fascinée
Archanges et calvaires pélegrinant
Les rives chantent
S'illuminent les comètes
Sur les terres bien-aimées
Et s'éclatent les morts
Et les croix et les tombes
Dans l'enclos du soleil
O glèbe sauvée !

( à suivre)

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