vendredi 16 janvier 2015

Palais des doges, Venise


Putain, ça fait chier !!


La voiture démarre, la radio emboîte le pas. Trois secondes d'hébétude, une éructation : 'Putain, ça fait
chier !!".
Depuis, la mémoire me gratte. Ce mercredi-là, on m'a flingué des souvenirs comme si on y avait eu accès. Plus les jours ont passé et moins j'ai intellectualisé. Liberté d'expression, Voltaire, terrorisme, islamisme, antisémitisme, manipulation, récupération, polémique, etc... . Tout ceci est passé au second plan, présent mais flou...pour après. Je revois F., mercredi après-midi : "Merde, ils ont tué Cabu! Merde! Cabu!". Je ré-entends A., jeudi : "Je n'arrive pas à m'ôter de la tête la voix de Bernard Maris". Et L., dans une discussion sur J'irai, j'irai pas : "J'irai parce que je nie à quiconque le droit de tuer Cabu! (et les autres aussi, hein...)". En moi, c'est la cavalcade du temps passé qui ne sera jamais retrouvé. Comme un cocon qui fait du bien plus que de la nostalgie.
Charlie Hebdo, automne 1992, la médiathèque, espace des périodiques, ses fauteuils-poufs pas confortables aux couleurs improbables, un endroit de passage, jamais vraiment tranquille entre les mouvement du va et vient, le bruit des pages du dernier paris-match ou du Ouest-France du jour, le brouhaha de l'entrée toute proche. Une pause dans le travail universitaire. Puis, la force d'un rendez-vous, celui du mercredi entre 13h et 15h. La grogne les jours où, par hasard, il n' était pas "à l'heure". Un rituel de lecture va peu à peu se dessiner (ahahah) : La couverture, celles auxquelles on a échappé, Siné sème sa zone, Cavanna, la chronique de Renaud, l'édito de Val, Charb n'aime pas les gens, la "BD" de Wolinski, tous les dessins par-ci, par-là, Honoré et son cadre, Luz et son trait relâché, Tignous, Cabu (tiens, le type à la guitare du récréA2 de l'enfance!). Pour la fin, les articles plus spécifiques dont les "exposés" par toujours faciles d'Oncle Bernard... Globalement, ce rendez-vous fut hebdomadaire pendant 7 ans, jusqu'à ce que la vie "d'à côté" change.
La lecture devint plus épisodique mais elle ne cessa pas. Siné fut viré, Val aussi, Cavanna est mort... .
Et mercredi.
Je voulais marcher, juste marcher, comme on marche du lieu de culte au cimetière lors d'un enterrement. Se remémorer ces moments, parler des dessins et des hommes. En rire et/ou en pleurer mais plutôt en rire, tant qu'à faire. Tout le reste, le barnum parisien... . Il sera bien assez tôt d'en débattre, s'en moquer, s'en écœurer, s'engueuler aussi. Fallait-y, fallait-y pas ? Le temps de la réflexion vient toujours. Approfondi et/ou superficiel. Avec l'oubli du sentiment, irrémédiablement.
Putain, ça fait chier !